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La peinture incarnée, Chaïm Soutine/Willem de Kooning

Chaïm Soutine, “Paysage avec maison et arbre”  © Adagp, Paris, 2021

Au Musée de l’Orangerie – Commissariat : Claire Bernardi, conservatrice en chef au musée d’Orsay – Simonetta Fraquelli, conservatrice indépendante et historienne de l’art, commissaire pour la Fondation Barnes.

Organisée conjointement avec la Fondation Barnes de Philadelphie qui possède un nombre important d’œuvres de Soutine, La peinture incarnée croise les toiles et l’esprit de deux artistes et les fait dialoguer : Chaïm Soutine (1893-1943), né juif sous l’empire tsariste et émigré en France, peintre de l’École de Paris comme le sont Chagall et Modigliani, et Willem de Kooning (1904-1997), expressionniste abstrait américain d’origine néerlandaise.

Willem de Kooning, …”Dont le nom était écrit dans l’eau” © Adagp, Paris, 2021

Soutine connut la vie de bohême à Montparnasse, épicentre de la vie artistique, autour de La Ruche. Il a côtoyé la misère jusqu’à ce que le collectionneur américain Albert Barnes le repère, dans les années 1920, par l’intermédiaire de Paul Guillaume, collectionneur et marchand d’art, l’un des premiers à avoir organisé des expositions d’art africain à Paris. Grand amateur des impressionnistes, Albert Barnes est à l’affût de tout nouveau courant artistique, les toiles de Soutine le séduisent d’emblée. Il en achète de nombreuses et porte l’artiste sur le devant de la scène. D’autres rencontres aideront le peintre à sortir de son destin tragique, dont Léopold Zborowski, marchand d’art contemporain, Marcelin Castaing critique d’art réputé et son épouse Madeleine, décoratrice et antiquaire – dont Soutine fera le portrait – qui le prendront un temps sous leur aile.

D’artiste maudit empreint d’un mal-être profond et souvent destructeur de son œuvre, l’excessif et dépressif Soutine change de statut et s’éloigne de ses compagnons d’infortune. Sa cote est au plus haut et il aura une forte influence sur la génération des peintres d’après-guerre, dont Bacon, Pollock et de Kooning. Sa palette est vive, violente et même torturée, la matière est épaisse. On pense à Van Gogh. Il peint des autoportraits, pas toujours à son avantage comme dans Grotesque (1922/25) ; des portraits, ainsi Le groom (le chasseur) ou le Garçon d’étage, réalisés à la fin des années 1920 dans une série représentant les employés d’hôtel, souvent dans une même posture, Le Petit Pâtissier (1922/24), L’Enfant de chœur (1927/28), présentés dans l’exposition ; des paysages, comme La Colline à Céret (1921) où il s’était installé après être passé par Vence et Cagnes-sur-Mer et Paysage avec maison et arbre (1920/21) ; des natures mortes comme Le Poulet plumé et Le Bœuf écorché inspiré de Rembrandt ou encore Bœuf et tête de veau, huile sur toile peinte vers 1925. La nourriture est récurrente dans son œuvre, lui qui ne mangeait pas à sa faim et la viande – volailles, pièces de gibier et immenses carcasses qu’il achète – se décompose dans son atelier, lui valant certains conflits avec le voisinage. Il meurt à Paris en 1943 en pleine France occupée, alors qu’il se tenait caché. Ses talents de coloriste et l’utilisation du rouge notamment, dans des tableaux pleins de fièvre, l’effondrement des formes et la déformation des paysages, le conduisent vers l’expressionnisme qui caractérise son œuvre.

Willem de Kooning rencontre la peinture de Soutine à la Fondation Barnes vers 1930 et au MoMa de New-York présentant une rétrospective de soixante-quinze de ses tableaux, en 1950. Il se reconnaît immédiatement dans cet art de peindre et Soutine devient sa référence. Pour lui,  sa peinture est « une surface qui ressemble à une étoffe, une matière. » Peintre, sculpteur et dessinateur, De Kooning utilise des techniques mixtes comme la gouache, l’aquarelle et le pastel. Très tôt, à l’âge de seize ans, il est apprenti dans une entreprise de décoration intérieure à Rotterdam où il est né en 1904, puis échoue dans son parcours à l’Académie des arts et techniques de la ville. Il décide de larguer les amarres et s’embarque clandestinement pour les États-Unis, en 1926. Il y vit de petits boulots avant de découvrir Greenwich Village, le quartier des artistes où il fait de nombreuses rencontres, d’artistes et de vendeurs d’art. C’est là qu’il découvre la peinture de Chaïm Soutine. Dix ans plus tard, il décide de se consacrer exclusivement à la peinture. Il cherche entre figuration et abstraction et déclare à un ami vouloir « peindre comme Soutine et Ingres à la fois. »

En 1938, il commence sa première série des Woman comme Reine de cœur, huile et fusain sur panneau de fibres de bois (1943/46), thème qui s’étendra tout au long de sa carrière. En 1942, il participe à l’exposition collective Peintures américaines et françaises et il rencontre Marcel Duchamp et Jackson Pollock. En 1943, année de la mort de Soutine, il épouse Elaine Fried, artiste peintre, commence en 1947 sa seconde série de Woman et partage un atelier avec l’artiste arménien Arshile Gorky. Tous deux sont inspirés par Miró et Picasso. En 1948 il présente une exposition solo à la Charles Egan Gallery et le MoMa est le premier à acheter une de ses toiles, Painting. En 1950 plusieurs de ses œuvres sont sélectionnées pour la 25ème Biennale de Venise, première exposition pour lui à l’étranger. En 1954/55, il commence sa troisième série de Woman et explore autour des années 1960 le thème des Femmes-Paysages (Woman as Landscape). Il vit alors à la campagne, au bord de la mer, dans la région des Hamptons, figure féminine et paysage maritime se superposent. Il enseigne à l’école des Beaux-Arts et d’Architecture de Yale, s’installe à East Hampton, Long Island, en 1963. Il expose dans le monde entier dont, à deux reprises, à la Documenta de Cassel. Le Smith College Museum of Art à Northampton, dans le Massachusetts, organise sa première rétrospective. C’est en 1968 qu’il expose à Paris et rencontre Francis Bacon à Londres, puis montre ses œuvres notamment en Italie, en Australie et au Japon. La cote de ses œuvres bat des records.

Quand De Kooning déclare en 1977 « être fou de Soutine, toutes ses peintures », il loue sa capacité à « capturer la lumière, comme émanant de l’intérieur de la peinture elle-même pour créer une forme de transfiguration ». Dans ses propres compositions des années 70 comme North Atlantic Light, on retrouve la même approche lumineuse, vibrante et luxuriante de la peinture. » La Femme entrant dans l’eau de Soutine, citation de La femme se baignant dans le ruisseau, de Rembrandt est reprise par Willem De Kooning avec Woman Accabonac, huile sur papier montée sur toile et appartenant aux Doors paintings réalisées pour être dans l’aménagement de son nouvel atelier. Il travaille sur le reflet et dit de ces femmes : « Elles flottent comme des reflets dans l’eau. »

L’exposition du Musée de l’Orangerie, La peinture incarnée, met en miroir avec intelligence et sensibilité l’œuvre des deux peintres. « Le plus j’essaie d’être comme Soutine, le plus original je deviens » disait De Kooning. Le critique d’art britannique, David Sylvester, avait déjà établi un parallèle entre les deux œuvres, que de Kooning lui-même confirmera « entre les coups de pinceaux gestuels et la distorsion expressive des œuvres de Soutine et Les Woman férocement souriantes. »

Dans cette exposition d’une certaine intimité, une salle est réservée à La rétrospective Soutine au MoMa de 1950. On y trouve un bel Autoportrait, huile sur toile de 1918 où le peintre est debout devant l’une de ses toiles au dos de laquelle se trouve comme un double en taille réduite, référence probable à Rembrandt qu’il admirait, on y trouve aussi Vue de Céret, petit village des Pyrénées où avait séjourné Soutine. De Kooning confiera plus tard à David Sylvester que « ces paysages ont eu une influence directe sur son travail ».

Chaïm Soutine, “Femme entrant dans l’eau” © Adagp, Paris, 2021

Willem de Kooning,
“Women in a Garden” © Adagp, Paris, 2021

Ce geste commun entre deux artistes qui ne sont jamais rencontrés, geste posé par les commissaires de l’exposition, permet à deux personnalités singulières, Chaïm Soutine et Willem de Kooning, de dialoguer. Même si leurs univers de travail sont inscrits dans des lieux et des époques différentes, leurs préoccupations sont identiques : ils cherchent à dégager la peinture de l’antagonisme art figuratif/art abstrait. Rapprocher les deux artistes n’allait pas de soi rappellent les deux commissaires qui jouent de cette dissymétrie : « Historiquement, c’est De Kooning qui regarde l’œuvre de Soutine et, dans la sienne, lui donne une postérité. »

Brigitte Rémer, le 23 septembre 2021

Commissariat : Claire Bernardi, conservatrice en chef au musée d’Orsay – Simonetta Fraquelli, conservatrice indépendante et historienne de l’art, commissaire pour la Fondation Barnes – responsable d’exposition, Elise Bauduin – architecte scénographe, Studio Matters/Joris Lipsch – graphisme, Studio Matters/Floriane Lipsch-Pic – concepteur lumière, Aura studio/ Vyara Stefanova – affiches de l’exposition, Cyrille Lebrun, responsable de l’atelier graphique, musées d’Orsay et de l’Orangerie.

Musée de l’Orangerie, du 15 septembre 2021 au 10 janvier 2022 tous les jours sauf le mardi et le 25 décembre, de 9h à 18h – Jardin des Tuileries (côté Seine), Place de la Concorde. 75001. Paris – métro : Concorde – Réservation obligatoire, site : www.musee-orangerie.fr – tél. 0144 50 43 00 – L’exposition a été présentée à la Fondation Barnes de Philadelphie du 7 mars au 8 août 2021 – Catalogue de l’exposition coédité Musée d’Orsay/Hazan (39,95 euros) – Autour de l’exposition, mercredi 8 décembre 2021 de 19h30 à 23h, Fou de Soutine, rencontres, visite et concert avec le pianiste Misha Blanos – Lundi 29 et mardi 30 novembre 2021 de 10h à 18h, colloque en ligne : Quand New-York rencontre l’École de Paris.

Légendes des photos : Chaïm Soutine (1893-1943), Paysage avec maison et arbre 1920-21- Huile sur toile – 55 x 73 cm – Philadelphia (PA), The Barnes Foundation – Willem de Kooning (1904-1997) …Dont le nom était écrit dans l’eau (…Whose Name Was Writ in Water) 1975 – Huile sur toile – 193 × 223 cm – Etats-Unis, New-York (NY), The Solomon R. Guggenheim Museum – Artwork © The Willem de Kooning Foundation, Adagp, Paris, 2021, Photo © The Solomon R. Guggenheim Foundation / Art Resource, NY, Dist. RMN-Grand Palais – Chaïm Soutine (1893-1943), Femme entrant dans l’eau, 1931 – Huile sur toile – 113,6 x 71,8 – Londres, MAGMA © Museum of Avant-Garde Mastery of Europe (MAGMA of Europe) – Willem de Kooning (1904-1997), Femme dans un jardin (Woman in a garden) – 1971 – Huile sur papier monté sur toile 184,2 x 91,4 cm – Artwork ©The Willem de Kooning Foundation / Adagp, Paris 2021, Photo © Private  – Collection/Bridgeman Images

Berthe Morisot, au Musée d’Orsay

“Autoportrait”, Berthe Morisot  © Musée Marmottan Monet, Paris. (1885)

Exposition présentée par le musée national des Beaux-Arts du Québec, la fondation Barnes, le Dallas Museum of Art et les musées d’Orsay et de l’Orangerie – Commissariat Sylvie Patry, conservatrice générale, directrice de la conservation et des collections du musée d’Orsay,  Nicole R. Myers, conservatrice Lillian et James H. Clark de la peinture et de la sculpture européennes au Dallas Museum of Art.

Née en 1841, Berthe Morisot peindra jusqu’à sa mort, en 1896. Degas, Monet, Renoir et Mallarmé organiseront une exposition posthume à la Galerie Durand-Ruel, marchand d’art qui lui avait été présenté par Édouard Manet et qui lui avait acheté quatre œuvres, en 1871. Édouard Manet l’accompagne au long de son parcours artistique jusqu’à sa mort, en 1883. Il peint d’elle en 1872 un portrait, intitulé Berthe Morisot au bouquet de violettes, belle et grave, contemplative. Elle épouse son frère cadet, Eugène, deux ans plus tard avec lequel elle aura une fille, Julie en 1878, mais c’est la peinture qui la dévore. Cette même année, lors de la première exposition des impressionnistes où elle présente son travail, on la remarque : « Le ton chez elle est d’une justesse, d’une délicatesse, d’une finesse exquise. Le motif est bien choisi, les silhouettes sont élégantes, les fonds pleins d’harmonie » écrit la critique (Villiers de L’Isle-Adam, Zola) mais comme tous les impressionnistes, elle n’échappe pas à la moulinette des critiques dans les expositions qu’ils présentent. Un Manifeste de l’Impressionnisme publié en 1876 définissait pourtant les intentions et recherches des artistes de cette nouvelle école.

Berthe Morisot expose à Londres (en 1882, 1892, 1893). Après la mort de son beau-frère Édouard, elle organise avec son mari une grande rétrospective à l’École des Beaux-Arts, début janvier 1885. Elle expose à Bruxelles (en 1886), mais sa première exposition personnelle, une rétrospective montrant quarante-trois de ses œuvres, n’a lieu qu’en 1992. Gustave Geffroy, futur Président de l’Académie Goncourt, écrit dans la préface du catalogue : « Ici la lumière solaire a été analysée et transformée par un vouloir et des mains magiciennes, elle a été conduite à ces révélations par une série d’opérations où il y a le charme et la douleur d’un prestige » et Jacques-Émile Blanche dans  les Entretiens politiques et littéraires : « Elle est la seule femme peintre qui ait su garder la saveur de l’incomplet et du joliment inachevé, dans des toiles très poussées, abandonnées par impatience, reprises avec rage et toujours fraîches comme au premier jour. »

Le Musée d’Orsay met à l’honneur cette grande Dame de la peinture et propose une traversée d’un demi-siècle impressionniste, en plus de soixante-dix toiles et huit sections. La première : « Peindre la vie moderne à l’extérieur et à l’intérieur. » Berthe Morisot travaille sur la figure, et prend les modèles dans son milieu familial, au début particulièrement sa sœur, Edma, elle-même artiste peintre. Elle s’applique au travail de cadrage. Les toiles de ces années-là s’intitulent Vue du Pont le Port de Lorient en 1869, ville où s’était installée sa sœur qui elle, abandonnera le métier de peintre ; Marine, le Port de Cherbourg, en 1871 ; Le berceau, réalisé en 1872, qui fait référence à la naissance de sa nièce, Blanche ; Cache-cache en 1873 de même que La lecture, ou L’Ombrelle verte.

La seconde section a pour titre : « Mettre une figure en plein air » et présente Femme et enfant au balcon, une vue sur Paris datant de 1871/72 ou Eugène en spleen, réalisée à Cowes sur l’Ile de Wight où ils font leur voyage de noces, ou encore La Terrasse, réalisée à Fécamp en 1874, avec vue sur mer. La plupart des toiles sont des huiles que l’on voit évoluer avec le temps et dont la matière s’affinera au fil des ans, mais il y a aussi quelques pastels, ainsi Sur l’herbe, appelé aussi Sur la pelouse, ou encore Dans le Parc, datant de 1874 où l’on voit une femme assise dans l’herbe, sa sœur Edma probablement, avec deux enfants et deux chiens. Berthe Morisot travaille avec une grande élégance l’ombre et la lumière, la transparence des tissus, dans un rapport sensuel à la couleur et qui suggère. Dans les blés (1875) montre l’étendue de la plaine de Gennevilliers.

La troisième section intitulée « Femmes à leur toilette » couvre la période 1876/1894. Berthe Morisot fait poser des modèles professionnels et entre dans leur intimité. Fine observatrice, elle témoigne des codes vestimentaires, traduit dans La Psyché un reflet dans la glace d’une femme de blanc vêtue, un bout de canapé à fleurs et un sol rouge. Elle ose et innove, en montrant y compris ses modèles de dos. La quatrième section présente, d’après une phrase de Jules Laforgue, « La beauté de l’être en toilette » où Berthe Morisot se penche sur le détail vestimentaire comme les cols, jabots, fleurs et accessoires. Ainsi une Femme en noir avant le théâtre (1875), une Jeune femme au divan (1885) portant une robe blanche sobrement décorée, sur un canapé vert, et devant un fond bleu. L’arrière-plan se fond dans le portrait, les robes sont suggérées, le sujet est décentré. Deux portraits de femmes, que les saisons désignent sont aussi présentés : Été (1879) et Hiver (1880). Cette même année, l’État achète pour la première fois un tableau de Berthe Morisot, le Portrait d’une jeune femme en toilette de bal, belle reconnaissance pour une femme artiste, à cette époque-là. Morisot capte la vie dans le jardin de Bougival où la famille passe les étés, ainsi Eugène Manet et sa fille dans le jardin de Bougival (1881), et elle donne vie au Jardin de Maurecourt où mère et fille sont dans l’herbe (1884). Les jardins sont pour les impressionnistes un thème de prédilection, avec, ou parfois sans, personnages.

La cinquième section, « Fini/non fini – Fixer quelque chose de ce qui se passe. » L’époque étant au canotage, Le lac du Bois de Boulogne (1879) autrement appelé Jour d’été montre deux femmes au milieu du lac et quelques canards. Plage de Nice (1882) dessine la ville au loin, un enfant fait des pâtés de sable, la mère regarde l’étendue bleue ; Jeune fille à la poupée ou Enfant au fauteuil (1884), La Leçon au jardin (1886) où père et fille se font face, assis sur des pliants dans un jardin, un cahier à la main font partie de cette série. Il y a peu de peinture dans les pourtours du tableau. La sixième section nous mène du côté des « Femmes au travail : servantes, bonnes et nourrices » qui entourent la famille Morisot, au train de vie confortable. Elles cousent et tricotent, font la cuisine. Ainsi Femme cousant dans le jardin de Bougival (1881) ou Paysanne étendant le linge, tableau de la même année ou encore une Jeune femme tricotant dans le Jardin (1883) « Fixer quelque chose de ce qui se passe, oh ! Quelque chose, la moindre des choses, un sourire, une fleur, un fruit, une branche d’arbre… Cette ambition-là est encore démesurée » dit-elle. Son unique Autoportrait (1885) palette et pinceaux discrètement à la main, fut très remarqué et exposé à titre posthume. La septième section est intitulée Fenêtres et seuils et met l’accent sur ce qui lie l’intérieur de la maison à l’extérieur : les jardins d’hiver, balcons, fenêtres et vérandas. Ainsi Après le déjeuner (1881) où une femme portant un chapeau fleuri et un éventail, fait face à l’artiste dans une véranda. Sur la table comme à l’arrière-plan, des fleurs et un jardin. Dans la véranda (1884) où la verdure, de l’autre côté de la vitre, se décline en majesté, ou encore La Lecture (1888) où une jeune fille est assise dans un jardin d’hiver, un livre à la main. Les Carnets de Berthe Morisot (1885 à 1890) avec croquis, notes et citations sont exposés. On y trouve des bribes de textes issus de Baudelaire, Zola, Montesquieu, La Bruyère ou les Frères Goncourt. « Je ne crois pas qu’il y ait jamais eu un homme traitant une femme d’égale à égal et c’est tout ce que j’aurais demandé car je les vaux » écrit-elle.

La huitième section en guise de conclusion fait référence à Virginia Woolf avec Une chambre à soi et s’intitule « Un atelier à soi ». On y voit une Fillette à la mandoline (1890), la Jeune fille au lévrier (1893), ou encore Julie rêveuse (1894), la fille de Berthe Morisot ayant dû faire face à la mort de son père, deux ans plus tôt. « Le rêve c’est la vie et le rêve est près de la réalité. On agit soi, vraiment soi. Si on a une âme elle est là » dit-elle.

Le parcours proposé par le Musée d’Orsay autour de l’œuvre de Berthe Morisot est remarquable. On y découvre la femme et l’artiste, on y réfléchit à la place de la femme dans l’art, au XIXème siècle, et au rapport au temps. Au regard de la détermination qui l’habitait, sans bruit et sans fureur, Berthe Morisot a réalisé une œuvre aussi forte et sensible que celle de ses collègues et amis impressionnistes, et a su trouver sa place. On lui doit d’être dans le même panthéon.

Brigitte Rémer, le 30 septembre 2019

Du 18 juin au 22 septembre, Musée d’Orsay, 1 rue de la Légion d’Honneur. 75007 – métro Solférino – site : www.musee-orsay.fr – tél. : 01 40 49 48 14